Salle comble pour rencontrer Etienne Caniard, président de la FNMF à l’occasion d’un désormais fameux Café Nile ce 6 février. Le Président de la Mutualité Française était venu présenter sa perception des enjeux pour la protection sociale, et analyser l’actualité du secteur. S’il a pu largement commenter la conclusion de l’ANI de janvier dernier (voir Fil-Social n°8040), il a dressé un véritable panorama des difficultés. Morceaux choisis.
Un grand enjeu : les gels de prise en charge par le régime obligatoire
« Un mal insidieux », c’est ainsi qu’Etienne Caniard qualifie un certain nombre de démarches de blocage de l’évolution des tarifs. Et de prendre exemple sur l’optique. Dans ce champ d’intervention important pour une majorité de la population, « il n’y a jamais eu de déremboursement de la part de la Sécurité sociale. Mais tout simplement, voilà des décennies, la décision de bloquer l’évolution des prises en charge. Conséquences, aujourd’hui ? Le régime général assure 4% de prise en chargé, les complémentaires 66%. » Pourquoi prendre un tel exemple ? « Parce que c’est bien ce que l’on risque avec les dépassements d’honoraires. Faute de revalorisation normale des tarifs de secteur 1, on assiste à un lent glissement de prise en charge. Si l’on prend l’exemple de la région parisienne, on est passé en quelques années, à un taux de prise en charge par le régime obligatoire, de 70% à 50%. Et cela en silence ! ».
Et le danger ne se limite pas, pour Etienne Caniard, à une simple baisse des taux de prise en charge. Ce qui est en cause, « c’est une délégitimation du régime obligatoire qui s’accompagnerait d’une remise en cause de l’acceptation de la cotisation sociale ».
Les dépassements d’honoraires et la convention médicale
« Je ne suis pas d’un optimisme démesuré quant à la suite de l’avenant n°8 qui est d’ailleurs l’illustration des limites de la pratique conventionnelle [•••] J’ai toujours été très prudent face à la juxtaposition d’un dispositif de régulation (contrat d’accès aux soins) et d’un mécanisme de sanction ».
Car, explique Etienne Caniard, si le premier volet est, théoriquement, vertueux, ses effets sont annulés par les oppositions suscités par le second. En outre, on annonce l’amélioration des tarifs opposables, mais on alimente pas cette décision.
Quant à la convention médicale, « il faut se demander s’il est légitime de traiter dans une convention nationale unique de problèmes qui sont largement impactés par la localisation ». Le Président de la FNMF évoque alors une dissociation entre l’acte médical, « dont la cotation est uniforme car l’acte doit être le même partout sur le territoire », et les prestations périphériques intégrant l’accueil pour tenir compte des salaires versés et de la charge du foncier.
De façon générale, ce qui est particulièrement gênant aux yeux du président mutualiste, c’est ce que sous-tendent les derniers textes. « Il y a un danger, celui de cibler les populations couvertes en distinguant les réponses, ou plutôt les mécanismes de prises en charge en fonction des ressources. C’est parfaitement contraire au principe d’universalité de la Sécurité sociale ».
La Mutualité, opérateur de soins ?
Le mouvement mutualiste, avec ses opérations de Livre III, est un opérateur de soins important. Au point que la Fédération avait pu, il y a quelques années, développer une véritable stratégie assureur-offreur. Etienne Caniard annonçait ce matin une inflexion dans la réflexion, et dans la politique suivie. Cela part d’un constat : pour ouvrir et gérer un centre hospitalier, cela requiert une masse de fonds propres très importante. La question vient donc de savoir si cette immobilisation est réellement efficace. « Lorsque l’on met en place dans un département un nombre significatif de fauteuils dentaires, et des tarifications raisonnables, on se rend compte que cela a un effet, assez rapide, sur la tarification des dentistes de la zone. » La nouvelle politique de la FNMF se résumerait donc ainsi : sur les investissements lourds, ayant finalement peu d’impact sur les pratiques, la Fédération se positionne comme acheteurs de soins, ailleurs comme offreur.
Quelle prévention pour demain ?
La prévention est un volet largement soutenu par le mouvement mutualiste qui développent de nombreuses opérations. Pour Etienne Caniard, il y là à encore matière à réflexions. « La première est que, au contraire du principe d’universalité de la Sécurité sociale, la prévention n’est utile que si elle est ciblée. Elle doit être ciblée quant à son objet, mais aussi autour de son public ».
Réputé pour son expertise de santé publique, Etienne Caniard poursuit l’analyse en pointant le retour sur investissement qui est très lent dans les actions de prévention classiques, ce qui les rends peu perceptibles. Il propose alors de mobiliser autour d’une thématique importante, la dépendance : « Si les actions de prévention contribuent à consolider et maintenir l’autonomie des personnes âgées ne serait-ce que pendant quelques mois supplémentaires, retardant ainsi le recours à des solutions lourdes tant pour les personnes que pour la collectivité, de telles actions auraient du sens et l’investissement serait perçu comme légitime et efficace ».
Les données de santé
Interrogé sur le soutien qu’il pourrait apporter à l’initiative « open-data » sur les données de santé, Etienne Caniard a rappelé que dès le congrès de Toulouse, en 2003, la FNMF avait demandé la création d’une structure indépendante permettant le partage des informations de santé. Dans la foulée, les mutualistes avaient demandé que soit développée une véritable fonction d’audit des prescriptions afin que chaque professionnel puisse avoir à sa disposition un référentiel solide, permettant de construire une démarche autonome de responsabilité économique.
Si ce dernier point n’a pas été réalisé, le président de la FNMF rappelle que quelques mois plus tard était mis en place l’Institut des Données de Santé. « L’outil est certes imparfaitement utilisé, et l’on constate que la Cnamts n’a de cesse de vouloir en restreindre le champs d’activité, mais est-ce une raison pour nier l’utilité de l’IDS » se demande-t-il.
Il ajoute qu’il y a eu une grande évolution autour de ces données, notamment au sein des associations de patients. Il considère ainsi que celles-ci sont passées d’une position de défense absolue de la vie privée à la demande d’un partage des informations pour que chaque acteur puisse pleinement jouer son rôle.
Source : Fil-Social www.fil-social.com
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